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Porteurs de soufre Les porteurs de soufre - La java des volcans

En plein coeur de l'archipel indonésien, l'île de Java, riche de ses 36 volcans, fait partie de l'une des régions les plus volcaniques et sismiques du monde. En 1883, le volcan Krakatoa, situé sur une île entre Sumatra et Java, disparut dans une explosion 7000 fois plus puissante que celle provoquée par la bombe atomique d'Hiroshima, et qui fit plus de 40'000 morts. Un nouveau cratère en a émergé. Les javanais l'ont baptisé « Anak Krakatoa » (l'enfant de Krakatoa).

A l'extrême Est de Java, face à l'île de Bali, perché à plus de 2'380 mètres sur les hauts plateaux javanais, le volcan Kawa Ijen - qui veut dire « cratère vert » en indonésien en raison de son magnifique lac de couleur émeraude - crache du fond de ses entrailles une richesse à l'odeur de soufre!

Reportage de Régis Colombo


Descente aux enfers

Cinq heures du matin : les premiers porteurs, guidés par le clair de lune au travers des petits sentiers sinueux à flanc de volcan, arrivent dans le fond du cratère avec, pour la plupart d'entre eux, une vingtaine de kilomètres dans les jambes.

Profitant de la fraîcheur matinale, ils commencent à casser à coups de barre à mine, au milieu des vapeurs toxiques, de petits blocs de soufre solidifiés, à peine sortis des longues canalisations posées par les hommes. Celles-ci servent à permettre la récolte du soufre. Car celui-ci, avant de se retrouver à l'air libre sous forme solide, a besoin d'un certain nombre de transformations. Gazeux à sa naissance, il doit être liquéfié par condensation à 444° , pour être ensuite canalisé sur une dizaine de mètres, il en sortira un liquide orange vif, puis en se solidifiant, il deviendra jaune.

Ce travail d'extraction du soufre extrêmement dangereux : tant qu'il n'est pas encore solide, il peut exploser sous leurs pieds !

A bout de soufre !

Chaque hommes rempli méticuleusement ses deux paniers de blocs de soufre. Chacun d'eux peut contenir plus de 35 kilos d '« or jaune ». D'ailleurs, certains porteurs dépassent même les 100 kilos par chargement ! Ceux-ci étant payé au poids du soufre rapporté, ce sont justement ces précieux kilos supplémentaires qui leur permettront peut-être d'envoyer leurs enfants à l'école ou d'acheter un bout de rizière.

Les paniers sont ensuite équilibrés et fixés aux extrémités d'une perche en bambou souple qui, une fois sur l'épaule, cadencera leurs pas au rythme d'un métronome.

Une fois le chargement équilibré sur leur épaule marquée par les cisaillements du bambou et le terrible poids du soufre, il faut une heure aux porteurs pour gravir les 300 mètres les séparant du sommet du cratère.

Reste à parcourir la vingtaine de kilomètres de descente à travers la forêt tropicale, par des petits sentiers escarpés et glissants. Un exercice épuisant et périlleux, même pour les plus forts. Certains porteurs, trop pauvres pour acheter des chaussures, font le trajet pieds nus!

Une fois rentrés au village, certains porteurs profiteront de se reposer dans leur famille, tandis que d'autres iront aider à la culture des champs sur ces terres rendues beaucoup plus fertiles par les cendres volcaniques.

La nuit suivante, la deuxième équipe partira chercher une richesse, qui plus habituellement est enfouie à quelques 200 kilomètres sous terre !

Le prix de la souffrance

Un porteur est payé au kilo de soufre rapporté. Par conséquent, plus ses paniers sont pleins, plus il gagne. Un trajet lui rapporte en moyenne 4 dollars, soit un salaire mensuel de 28 à 50 dollars. Une activité bien rémunérée pour la région, mais sous-payée pour un travail aussi harassant et dangereux. En comparaison avec Jakarta, la capitale, un fonctionnaire gagne environ deux à trois fois plus qu'un porteur de soufre.

Pour éviter le marché noir, chaque porteur doit, au début du trajet de retour, peser " le produit de son effort " , et recevoir un reçu signé qu'il devra présenter lors de son arrivée à l'usine où s'effectuera alors la deuxième pesée.
Le soufre sera ensuite revendu trois fois plus cher sur le marché. Il sera ensuite utilisé pour le blanchiment du sucre, la fabrication d'allumettes et de poudre d'explosifs, comme dans l'industrie chimique.

Le plus jeune des porteurs a 14 ans et fait déjà vivre sa famille. Sokarno, leur chef, âgé de 67 ans, dont 29 passés dans le soufre, a les poumons brûlés par les vapeurs toxiques. Il ne porte plus mais descend chaque matin dans le cratère en reconnaissance pour vérifier l'état du lac. Si l'eau bouillonne et qu'elle devient blanche, c'est que la température est trop élevée et qu'il y a danger !

La colère des eaux

Profond de plusieurs centaines de mètres, cet étrange lac en ébullition, de couleur vert laiteux, dissimule une grande menace : on estime en effet qu'il contient plus de 36 millions de m3 d'acides sulfurique et chlorhydrique, ce qui en fait le plus grand réservoir d'acide du monde. En outre, en 1976, une bulle de gaz apparut sur le lac, qui, en se crevant, asphyxia la majorité des hommes qui étaient sur place. Le drame se reproduisit en 1982 et 1989.


Quel avenir ?

Plus de 200 personnes travaillent en alternance dans le cratère. Ce travail physiquement très éprouvant, reste une fierté pour ces forçats du soufre considérés à ce jour comme les hommes les plus forts de l'île de Java.
Dix tonnes de soufre jaillissent chaque jour des entrailles du volcan, juste de quoi couvrir les besoins de l'Indonésie. Au rythme de la croissance économique que connaît l'Asie actuellement - malgré la crise actuelle - , il y a fort à penser que cette production artisanale ne sera plus suffisante dans quelques années. C'est la raison pour laquelle, l'entreprise, dont la concession minière appartient à des Chinois, est en train de construire une route qui montera jusqu'au pied du cratère.

L'avenir de beaucoup de porteurs risque bien d'être remis en question !


© Texte et photos de Régis Colombo


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